Quand la culpabilité nous envahit !
Dr François Pépin (Alcoologue, Diacre), Elisabeth Damiani (guérie et en voie de rétablissement holistique)
Elisabeth Damiani (ED) : Bonjour cher François ! Alors, aujourd’hui nous parlons de rechutes et de réalcoolisassions ? Tu nous aides à y voir plus clair ?
Dr François Pépin (FP) : Bonjour chère Elisabeth ! Oui, effectivement c’est là un sujet important car ces événements font partie du chemin de guérison de la maladie alcoolique.
ED : Ce sont là des événements auxquels j’ai moi aussi été confrontée dans mon parcours vers l’abstinence heureuse et la sobriété. Comment définirais-tu cela ?
FP : la ré alcoolisation est un faux-pas qui n’entraîne pas forcément une rechute si on se ressaisit tout de suite.
ED : Mais c’est plein d’espérance, ça !
FP : Oui et ça m’amène à parler de la culpabilité, bien trop présente dans ces cas-là ! Et la lutte contre la culpabilité relève du travail de l’alcoologue : il est essentiel de ne pas culpabiliser !
ED : Je suis bien d’accord avec toi ! La culpabilité, je connais bien et elle a pour premier effet de me replier sur moi-même alors que l’ouverture à l’autre et à l’Autre est essentielle pour sortir de cette galère ! Comment parles-tu alors à tes patients quand ils sont confrontés à la ré alcoolisation voire à la rechute ?
FP : Je suis convaincu, et le leur dis, qu’à chaque rechute on se connaît un peu mieux et on connaît mieux la maladie …
ED : J’entends bien ce que tu dis : cela m’évoque ma dernière rechute il y a 15 ans et au cours de laquelle j’ai vraiment compris que l’alcool modifiait le comportement (j’ai vécu une véritable descente aux enfers à cause de ce produit) et que je ne savais décidément pas boire modérément. Cette confirmation a été déterminante et m’a définitivement convaincue de vivre l’abstinence complète de toute boisson alcoolisée. Aujourd’hui je vis cela très bien et suis libérée de ce fléau. Donc c’est possible 😊
FP : Merci pour ton témoignage ! Bien sûr que c’est possible et cela passe par un travail de deuil d’une vie avec l’alcool. La rechute est en fait générée par un événement extérieur voire par ces « amis » qui te poussent au premier verre. Elle est aussi un essai de continuer à vivre avec l’alcool et de devenir un buveur occasionnel.
ED : C’est tout à fait ça : j’ai moi aussi voulu essayer cela mais je n’ai pas tiré la bonne carte … Mais alors peut-on lister les différentes causes de la rechute ?
FP : Au cours de ma pratique, j’en ai repéré plusieurs : tout d’abord l’angoisse …
ED : C’est vrai que je me suis souvent servi de ce produit comme anxiolytique et le problème, c’est que « ça marche » : c’est comme ça qu’une simple ré alcoolisation a pu devenir une vraie rechute !
FP : Tout à fait et si tu ajoutes à cela la solitude, tu as deux facteurs de risques importants.
Et l’on rencontre aussi fréquemment la ré alcoolisation, voire la rechute, en cas de deuil ou de rupture affective : dans ces cas-là, il est important de ne pas rester seul …
ED : Je te rejoins tout à fait, François ! Dans mon histoire, ce fut le deuil de la vie religieuse, pour laquelle je ne suis effectivement pas faite, plus la soudaine solitude qui ont précipité ma dégringolade en 2009. Et c’est grâce à un entourage médical, amical et familial bienveillant, auquel j’ai su faire appel, que j’ai pu me sortir du retour de la spirale infernale. Le tout enraciné dans une solide vie spirituelle, et certains Pèlerins de l’Eau Vive n’y furent pas étrangers … Par la suite, j’ai même pu reprendre le travail, mais ce ne fut pas sans mal.
FP : ça ne m’étonne pas : la reprise du travail après un long temps, doit se faire prudemment car elle chamboule beaucoup de choses, à commencer par le rythme de vie qui n’est plus le même et qui peut à lui seul fragiliser la personne en voie de rétablissement.
ED : Effectivement, on m’a à l’époque conseillé d’y aller par étapes, de ne pas reprendre à temps complet au début (conseil que j’ai suivi) et nous avons aussi fait appel au corps médical : j’insiste là-dessus car il ne faut jamais oublier que l’on parle d’une maladie et que donc les soins médicaux sont incontournables. Et la médecine du travail peut aussi avoir un rôle à jouer.
FP : Oui, surtout qu’au début du chemin vers la liberté retrouvée une simple contrariété peut entraîner une ré alcoolisation tout comme le déni et les mensonges qui sont autant de refus d’admettre la vérité.
ED : Et pourtant j’ai rencontré des personnes qui ont pu reconsommer et revenir à une consommation modérée …
FP : En effet, les buveurs excessifs (ceux qui consomment plus de deux verres par jour) peuvent par exemple vivre un Carême sans alcool et reprendre leur consommation après tout comme ils peuvent avoir une consommation modérée. Il n’en va pas de même pour les personnes alcoolodépendantes qui ne peuvent modérer leur consommation …
ED : Tout à fait : je sais depuis 15 ans profondément que je ne pourrai jamais reprendre un verre et cela m’a permis de découvrir d’excellentes eaux minérales et d’excellents jus de fruits 😊La vie hors alcool est belle et possible !
Alors « en route avec l’Esprit de Dieu, en route vers le Père … !