Chronique sur l’alcoologie
Elisabeth : Bonjour François ! Nous voici réunis pour cette 1ère chronique d’alcoologie ! Pouvons-nous commencer par en définir le pourquoi ?
François : Oui, bien sûr ! L’alcoolisme est une maladie qui nécessite des soins médicaux, ce qui n’empêche en rien la vie spirituelle mais permet au contraire de la vivre humblement, c’est-à-dire en vérité !
E : En effet, je te rejoins : ne sommes-nous pas bâtis sur trois pôles : le psychique, le physique et le spirituel dont chacun est à soigner et à prendre en compte de façon particulière…
F : Oui, l’équilibre c’est prendre un égal soin de chacun des pôles.
E : On parle donc de maladie alcoolique ? On va voir des médecins pour se soigner ?
F : oui, bien sûr et en tant que médecin alcoologue je peux te dire que lorsque je dis à un patient : « vous êtes malade … » eh bien ça le libère ! En effet, il n’y a alors pas de jugement mais le constat d’un état de santé, d’une maladie. Dans la maladie alcoolique, sur le plan physique, c’est le circuit des récompenses qui se modifie et on n’a plus la maîtrise de sa consommation.
E : C’est ce que disait le Dr Fouquet, un grand alcoologue français, dans les années 1950 : l’alcoolisme, c’est la perte de la liberté de boire ou de ne pas boire … La dépendance donc … comment l’expliquer ?
F : Nous avons tous des récepteurs opioïdes dans notre système de récompenses. L’alcool se met dessus, et les cellules nerveuses s’habituent. Ceci entraîne très souvent un accroissement de la consommation et donc de la tolérance, et le consommateur devient dépendant.
E : Ce n’est donc pas un péché ?
F : Je dis souvent à mes patients, lorsqu’ils viennent en ayant consommé, « vous n’avez rien à m’avouer car c’est du domaine de la maladie ! ». En revanche la consommation peut conduire à des actes pécheurs, à des conduites aberrantes … Alors il s’agit de ne pas juger : une écoute bienveillante est essentielle.
E : Comment la vis-tu ?
F : Il y a d’abord la 1ère consultation, qui est surtout une prise de contact, au cours de laquelle s’établit la confiance … Puis lors du second RV je propose ce schéma :
J’explique alors que l’alcool est un produit toxique, qui ne présente aucun apport bénéfique sur la santé : un seul verre de vin peut être toxique …
Pour le schéma, l’alcool arrive au niveau du circuit de la récompense dans la substance blanche du cerveau. Il se fixe sur les récepteurs opioïdes, ce qui va permettre la sécrétion de la dopamine, à l’origine du plaisir. Quand on consomme régulièrement de l’alcool, le cerveau s’y habitue et il devient nécessaire d’augmenter les doses pour obtenir les mêmes effets. Au bout d’un certain temps, le système dérape, on ne peut plus maîtriser sa consommation, on devient dépendant, ce qui définit la maladie alcoolique. D’autre part, la mémoire enregistre les bienfaits initiaux de l’alcool. Des connections se créent avec le circuit de la récompense. C’est comme cela qu’on explique le mécanisme des rechutes. Rappelons que l’alcool initialement est antidépresseur, anxiolytique, désinhibiteur et antalgique.
E : merci beaucoup cher François pour cet échange et, si tu le veux bien, nous poursuivrons en travaillant sur ce point précis : la toxicité de l’alcool ou avantages et inconvénients à en consommer…
François, médecin alcoologue et Elisabeth, bénéficiaire de soins en alcoologie