Guérir de l’alcoolisme
E : Bonjour François ! Nous nous retrouvons pour notre deuxième « coin d’alcoologie » … Aujourd’hui j’ai envie de t’interroger sur ce vers quoi on accompagne les malades de l’alcool lorsqu’ils nous sont adressés … Abstinence envers et contre tout ? Réduction des risques ? Que proposer ? Qui décide de quoi ? …
F : Bonjour Elisabeth ! Je vais essayer de te répondre en me basant sur mon expertise professionnelle de médecin alcoologue : dans ce travail, j’ai réalisé qu’il ne sert à rien de dire au malade d’arrêter sa consommation d’alcool ! …
E : effectivement ! Si je me remémore mon parcours, cela ne m’a jamais aidée que l’on insiste pour me faire arrêter ma surconsommation d’alcool ! Il a fallu que je chemine …
F : En effet, il s’agit avant tout d’accompagner les malades sur leur chemin pour leur permettre de prendre une décision E : oui, la leur et non pas une que l’on plaquerait sur eux …
F : c’est ainsi que je les interroge : « que souhaitez-vous … ? » et 90% d’entre eux me répondent : « consommer librement, comme avant … »
E: et tu crois cela possible ?
F : je leur réponds que, s’ils sont d’accord, on va se voir longtemps ! (En général plusieurs années !) et je leur propose de commencer par arrêter les alcools forts (pastis, vodka, whisky …) puis ils vont essayer de tendre vers une consommation modérée … Mais ça ne marche pas et en général ils se rendent compte qu’il faut se résoudre à l’abstinence.
E : effectivement, c’est ce que j’ai vécu dans mon parcours et aussi dans l’accompagnement que j’ai pu prodiguer plus tard … J’ai essayé de boire modérément mais ai dû honnêtement réaliser que ça, je ne savais pas faire !!!
Mais pour finir, qui peut prendre une telle décision ? L’abstinence, au moins au début, c’est dur ! Et s’y résoudre n’est ni facile ni enthousiasmant …
F: en effet, il s’agit de respecter la liberté de la personne que l’on accompagne et d’accueillir sans jugement son chemin, avec les rechutes qui y sont inhérentes … Le parcours peut être de faire un sevrage à domicile, pour les personnes ayant rechuté, mais bien sûr sous surveillance médicale ! Et souvent les patients demandent eux-mêmes une cure et sont ensuite ravis du résultat … La décision en revient à la personne, qui a un travail de deuil à faire : renoncer à boire « comme avant », renoncer à toute boisson alcoolisée, pour aujourd’hui … et demain ! Le tiercé gagnant pour y parvenir, si j’ose dire, est l’accompagnement par un médecin alcoologue + un psychiatre ou psychologue + mouvement d’entraide et pourquoi pas celui des Pèlerins de l’Eau Vive !
E : tout à fait d’accord avec toi ! j’ai dû quant à moi accepter de faire trois cures de 28jours avant de comprendre que j’avais besoin de temps, car vivre sans alcool cela s’apprend ! J’ai alors décidé de faire une quatrième cure suivie d’une postcure de trois mois ! Et je n’ai pas lâché la main de mon alcoologue ni de mon psychiatre et j’ai saisi celle, ô combien fraternelle, des Pèlerins de l’Eau Vive qui m’ont apporté, outre la fraternité humaine, celle – ô combien indispensable elle aussi – de la vie spirituelle partagée ; cela en complément de Vie Libre, qui m’offrait un lieu de parole neutre et accueillant : le chemin vers la guérison était amorcé et cela a duré et dure encore aujourd’hui !
F : qu’appelles-tu guérison ?
E : c’est une abstinence libre et heureuse, qui est vraiment possible ! En écho me revient cette parole de Marion Cahour, notre fondatrice : « ne devenez pas de tristes buveurs d’eau ! »
F : oui, soyons des buveurs d’eau joyeux !