Père de 6 enfants et responsable en communication, Marc, 44 ans, a toujours eu plaisir à boire. Un plaisir qui, vers 30 ans, a dégénéré en dépendance à la suite de coups durs du destin. Il répond aux questions de Raphaëlle Coquebert pour l’Accueil Louis & Zélie :
À votre avis, d’où vient votre penchant pour la boisson ?
Par tempérament, je suis un bon vivant, j’ai toujours aimé vivre à fond ! Mais il y a probablement eu aussi un effet d’entraînement au sein de ma propre famille : mon père, que j’aimais beaucoup malgré ses failles, a connu une longue période de chômage après avoir démissionné de l’armée, à 50 ans. Il s’est alors mis à boire, jusqu’à en devenir violent. Sans doute exorcisait-il, des années après, le traumatisme laissé par ses années de guerre en Algérie. Malgré sa lucidité et ses cures de désintoxication, il n’est pas parvenu à s’en sortir.
Qu’est-ce qui vous a précipité dans ce même travers ?
De lourdes épreuves qui ont changé mon mode de consommation : je buvais seul et tous les jours. Il y a eu d’abord une éprouvante et dangereuse mission en Afghanistan en 2005 alors que j’avais, comme papa, embrassé la carrière des armes. Puis le suicide de mon frère aîné, en 2009. Je forçais trop sur la bouteille, mais n’en ai pris conscience que peu à peu : j’avais rejoint le monde de l’entreprise où mon rythme de travail était écrasant. L’alcool m’aidait à tenir le coup. En 2015, j’ai enfin pris le taureau par les cornes.
De quelle manière ?
J’ai consulté un psychiatre pour m’aider à arrêter de boire. Mais ce qui a été décisif, c’est ma rencontre en 2018 avec un alcoologue catholique, que la Providence a mis sur mon chemin. Je venais d’être muté en Vendée, et j’ai cherché dans un annuaire les coordonnées d’un professionnel à même de me venir en aide. Quelle heureuse surprise j’ai eu en poussant la porte de son cabinet : une icône de la sainte Famille trônait là ! Moi qui suis catholique pratiquant, j’y ai vu un clin d’œil du Ciel. Diacre par ailleurs, François était en effet l’homme de la situation ! Son accompagnement a été déterminant.
En quoi a-t-il consisté ?
Au-delà de l’aspect médical, il a vu l’essentiel : l’importance de m’appuyer sur l’amour de ma femme, Charlotte, avec laquelle il a joué cartes sur tables. J’ai eu la chance que cette dernière accepte de mener pleinement avec moi ce combat contre l’alcoolisme. Sans tabou, ni faux-semblant. Elle me soutient à 100%, en s’appuyant sur les grâces du sacrement de mariage et une foi à toute épreuve. Pourtant, croyez-moi, je lui en ai fait baver ! Elle est mon roc.
Puis, François m’a invité à rejoindre un groupe de partage d’alcooliques catholiques, les Pèlerins de l’Eau Vive (PEV : www.pelerinsdeleauvive.org). Quelle claque j’ai pris ! De rencontre en rencontre, j’ai compris que je ne réussirais à être abstinent qu’en admettant ma pauvreté : je n’étais pas différent de ces hommes et femmes parfois cabossés, j’étais des leurs. Dieu est venu pour les pécheurs et pour les malades dont je suis. L’humilité est la clé de la guérison.
Parce qu’aujourd’hui, vous diriez que vous êtes guéri ?
Je ne dirai jamais ça ! Après de longues périodes d’abstinence suivies de rechutes, voilà deux ans que je n’ai pas touché un verre d’alcool. Mais je peux replonger, je reste très prudent. Et le resterai probablement jusqu’à la fin de mes jours. Si vous saviez par quelles épreuves nous sommes passés, moi et ma famille durant ces cinq dernières années ! Car très vite, François a compris que mon alcoolisme n’était que le symptôme d’une maladie psychique : la bipolarité. Accepter ce diagnostic n’a pas été une mince affaire.
Comment y êtes-vous parvenu ?
Encore une fois, c’est une affaire d’humilité : accepter sa fragilité, accepter de prendre des médicaments aux effets secondaires non négligeables, accepter surtout de se faire hospitaliser. Mon premier séjour en clinique psychiatrique remonte à 2020. Il en a fallu quatre autres en deux ans pour que je sois enfin stabilisé.
Quel conseil donneriez-vous à une personne alcoolique déterminée à guérir ?
De fuir la demi-mesure. On ne joue pas avec la dépendance. Pour ma part, je suis sans concession : pas de sauce au vin, de bière sans alcool, de succédané quelconque : sinon, le désir revient ! Même quand on prend, comme moi, un médicament qui coupe l’envie de boire. C’est un traitement onéreux mais qui vaut la peine.
Je dirais aussi de ne pas repousser sans cesse l’échéance : l’alcool, plus on arrête tôt, plus on a de chance de s’en sortir.
Ce sont là des recommandations concrètes, terre-à-terre. Mais ce qui guérit en profondeur, c’est l’amour des siens et la miséricorde de Dieu, qui ne se lasse pas de croire en chacun et de relever celui qui tombe.